COULEUR FEMME,
DE GUÉNANE.
II ne s’agit pas, avec ce recueil, d’un manifeste féministe mais de l’affirmation tranquille d’une poétique (et tout autant d’une éthique) du fait d’être femme. Quelques fragments de certains de ces poèmes semblent tisser le fil rouge de cette poésie, et nous guident un peu comme le fil d’Ariane guidait le traître Thésée. À nous lecteurs de ne pas trahir, comme le piètre, héros grec, ce chemin qu’elle nous trace dans le labyrinthe du monde. Suivons-la donc quand elle nous dit « Se déprendre de l’inutile / s’apprend / seul»; suivons ses bons conseils «Au lieu de te diluer dans l’identique / prends le maquis» ou encore: «Allume en toi la lampe / ne claque pas la porte au poème.» Suivons celle qui prévient, depuis l’indépendance de sa solitude: «L’enfer devra se surpasser / pour nous impressionner.» Aux tentations du narcissisme, elle répond «Le miroir seul a / nostalgie de toi.» Pour autant, Guénane connaît la lucidité d’une certaine errance féminine «ne te reconnais pas / tu n’es pas ce que tu crois / toi qui te connais si bien / tu n’en finis pas de te perdre» ou encore «Femme perdue d’incertitude / clés en main / gardienne de tes murailles / toute ta vie à essayer / de retrouver / la vérité de l’enfant qui rêve.» C’est ainsi qu’elle promène «un sourire de ressuscitée» en affirmant tranquillement «tu peux compter sur la mémoire du désir».
Antonin Artaud imposait à la poésie le devoir de respecter trois vertus: la vérité, la passion et l’humour. Le recueil de Guénane respecte fièrement ces consignes «Fermeture du musée de tes erreurs», dit-elle, et: «Mère / tu fus lien / chaîne maillon boulet / arbre de transmission / l’origine / pas la cause.» Et pour ce qui est de la passion, elle n’y va pas par quatre chemins - nous éclairant ainsi sur un chemin qui nous est commun: «La passion n’a pas de garantie à donner / ainsi vont saforce et sa fragilité.» Tout serait à citer dans ces pages, mais le mieux est de vous procurer te livre de celle qui sait dire: «Île / tu es femmes / ou l’inverse...», qui «accepte d’être Femme» en vous prévenant que «si vous ne devez m’accorder / qu’un mot où appuyer ma voix / que ce soit / le verbe troubler». Vous apprendrez alors à décliner au féminin cette belle expression, «compagnon de route».
Gétard Prémel
Couleur Femme, Guénane, Rougerie, 2008.